vendredi 21 octobre 2016

Le Roi des Fauves - Aurélie Wellenstein



Le Roi des Fauves, Aurélie Wellensetein

Editeur : Scrineo
Nombre de pages : 284
Résumé : Accusés de meurtre, Ivar, Kaya et Oswald sont injustement condamnés à un sort pire que la mort. Enfermés dans un royaume en ruines, coupés du monde, il leur reste sept jours d’humanité. Sept jours pendant lesquels le parasite qu’on leur a inoculé va grandir en eux, déformant leur corps et leur esprit pour les changer en berserkirs, ces hommes-bêtes enragés destinés seulement à tuer ou être tués. Commence alors une course contre le temps, effrénée, angoissante, où les amis d’hier devront rester forts et soudés, pour lutter contre les autres ... et surtout contre la bête qui grandit en eux. Existe-t-il un salut quand son pire ennemi n’est autre que soi-même ?

- Un petit extrait -

« Je vais vous donner une dernière recommandation en souvenir des hommes que vous êtes, alors écoutez-moi bien. Vous allez pénétrer dans Hadarfell, la province abandonnée aux berserkirs – votre territoire. Le lehrling va grandir dans votre organisme et dans sept jours, vous serez devenus des animaux. Je vous conseille de vous éloigner les uns des autres, car sans les talismans, vous serez incapables de vous contrôler. Vous tuerez quiconque s’approchera de vous, amis comme ennemis. Cachez-vous, terrez-vous. Dans moins d’une semaine, les seigneurs vous donneront la chasse. Des mercenaires tenteront des razzias pour vous revendre aux plus offrants. Fuyez. Vous pouvez survivre dans Hadarfell, comme les bêtes que vous allez devenir. Alors, courrez à toutes jambes vous réfugier là où personne ne vous trouvera. »

- Mon avis sur le livre -

Je crois l’avoir déjà dit dans une de mes chroniques : non seulement je suis une vraie froussarde, mais en plus j’ai la sale manie de rêver de mes lectures. Et je ne vais pas y aller par quatre chemins : je sais pertinemment bien que je vais cauchemarder toute la nuit – voire même toute la semaine – à cause de ce livre. Livre qui, bien que particulièrement traumatisant, est vraiment très bon, ne vous y méprenez pas ! Mais si vous êtes du genre sensible et que votre imagination est très fertile durant votre sommeil, je vous conseille tout de même de passer votre chemin … ou de vous acheter une veilleuse, un doudou, ou que sais-je encore pour vous aider à surmonter cette épreuve ! Ouvrir ce livre, c’est plonger dans un univers sombre, voire malsain, c’est suivre l’équilibre précaire d’une âme entre humanité et bestialité, c’est accepter de se laisser embarquer dans une véritable descente aux enfers sans passer par le purgatoire. Vous êtes prévenus !

Alors qu’ils ne cherchaient qu’à ramener un peu de gibier pour nourrir leurs familles, Ivar, Kaya et Oswald se voient accusés de tentative meurtre sur la personne du seigneur Jarl, qui s’est brisé les jambes en tombant dans un précipice tandis qu’il cherchait à exécuter les jeunes braconniers. Et les trois adolescents en viendraient presque à regretter qu’il n’ait pas réussi … Capturés, emprisonnés puis jugés, ils sont finalement condamnés à un sort pire que la mort : destinés à se transformer en berserkirs, ces monstrueux hybrides entre l’homme et la bête, ils n’ont plus que sept jours devant eux avant que leur humanité ne laisse place à la folie la plus meurtrière et la plus incurable. Ils seront ensuite chassés par les braconniers pour être ensuite asservis et exploités par les nobles qui les ont condamnés à cette déchéance. Mais Ivar refuse de se laisser abattre et lutte de toutes ses forces contre cette inexorable transformation, contre cette colère inexplicable qui grandit en lui en réclamant du sang, poussé par la lueur d’espoir que lui insuffle une vision : il existe, quelque part aux fins fonds de ce territoire désolé, un être capable de les sauver de cette malédiction. Alors, bien décidé à éviter à ses deux meilleurs amis ce terrible sort, il les exhorte à tenir bon tandis qu’ils se rapprochent du château où vit le Roi des Fauves …

Ce qui fait la particularité de ce livre, c’est bien l’ambiance qui s’en dégage. Ce n’est pas seulement sombre ou glauque, c’est tout simplement malsain. Parqués dans un immense territoire en ruines, bouclé par un sortilège, les condamnés savent d’avance ce qui va leur arriver, et la crainte et la colère combinées ne font qu’accentuer la folie qui les guette. Il est particulièrement terrifiant de voir ces hommes se changer peu à peu en bêtes assoiffées de sang. Et, en dépit de leur résistance acharnée, nos trois héros ne sont pas épargnés par cette transformation : petit à petit, leur caractère change et se voit remplacé par les instincts de leur animal. Les conflits se font toujours plus forts et toujours plus fréquents, tandis que s’installent les antagonismes naturels entre proies et prédateurs. On se rend finalement compte que notre humanité ne tient qu’à un fil, qu’un petit rien peut transformer l’adolescente la plus altruiste en une jeune femme uniquement soucieuse de sa propre survie au dépend de celle des plus faibles, qu’il n’y a pas besoin de beaucoup pour faire ressurgir les instincts les plus primaires chez un individu équilibré et moral. C’est très intéressant, mais aussi très dérangeant et assez perturbant.

Nous avons ici un trio puissant car ses membres se complètent entre eux : Ivar est celui qui protège, Kaya est celle qui dirige et Oswald est celui qui maintient l’harmonie. Ensemble, ils sont forts, mais à partir du moment où ils sont séparés, ils courent à leur perte. Et le plus terrible dans cette histoire, c’est bien cela : aucun personnage n’est épargné, et le lecteur non plus. Ne vous attendez pas à une happy end avec ce roman : bien que destiné aux adolescents, il offre une fin aussi brutale et noire que le reste du récit. Le lecteur est littéralement plongé dans une ambiance angoissante, éprouvante, qui donne la chair de poule et fait accélérer le rythme cardiaque. Il y a de la violence, dans ce livre, du sang et des tripes, de la chair et des boyaux, mais cela n’est rien comparé à ce que nous apprennent les visions d’Ivar quant au commencement de toute cette sombre affaire. Malgré tout, une petite étincelle d’espérance et de douceur se cache au cœur de l’histoire, tandis que l’innocence perdue d’une fillette se transforme en l’envol majestueux d’un cygne enfin libéré de sa misère. Ce passage fait du bien, je peux vous le dire, une véritable bouffée d’air frais dans cet univers si sombre et si complexe.

Complexe, l’intrigue l’est également : bien plus riche que ne le laisse penser le résumé, qui ne met l’accent que sur cette cruelle transformation sans évoquer le moins le monde ce fameux Roi des Fauves et tout ce qui tourne autour de lui, elle a su me surprendre et m’étonner. Voire même me captiver. Il y a quelque chose derrière ces monstrueuses mutations, une histoire de malédiction et de vengeance, une histoire de pouvoir et de puissance. Je ne peux pas en dire plus pour ne pas gâcher la surprise à ceux qui désirent se lancer, mais je suis vraiment ravie de cette bifurcation imprévue de l’histoire, ravie que le résumé taise cet aspect car mon intérêt a ainsi été renouvelé tandis que je grimaçais face aux descriptions si peu ragoutantes de ces hybrides sanguinaires aveuglés par la haine. Donc si vous aviez peur de vous retrouver face à un remake fantasy de la Métamorphose de Kafka (classique que je n’ai par ailleurs pas réussi à terminer), soyez rassuré : l’histoire ne s’arrête pas là ! Laissez-vous surprendre par ce mystérieux Roi des Fauves qui donne son titre au roman …

Derrière cette magnifique couverture aussi soignée qu’intrigante se cache donc un récit d’une richesse inouïe. Des personnages en proie à la folie, au désespoir et à la perte progressive de leur humanité au profit d’une bestialité sauvage et sanguinaire. Une ambiance oppressante et angoissante qui permet au lecteur de s’identifier à ces condamnés qui sont conscients de ce qu’il va leur arriver sans savoir s’ils parviendront à lutter. Une histoire bien plus complexe qu’elle ne peut le paraitre au premier abord, qui surprend et captive le lecteur sans lui laisser le temps de respirer. Le tout porté par une narration efficace qui va droit au but, sans jamais épargner les lecteurs qui ont intérêt à avoir le cœur bien accroché et à ne pas être sujet aux cauchemars ! Un livre qui perturbe, mais qui se place tout de même dans les bonnes surprises de l’année. Je compte bien lire d’autres romans de l’auteur qui a su attiser ma curiosité avec ce livre qui sort des sentiers battus et qui, finalement, aurait mérité à être un tantinet plus long !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

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