vendredi 9 décembre 2016

Dans les larmes de Gaïa - Nathalie Le Gendre



Dans les larmes de Gaïa, Nathalie Le Gendre

Editeur : Mango
Collection : Autres mondes
Nombre de pages : 176

Résumé : À la suite de la Guerre Ultime, la Terre est recouverte par un gigantesque océan. Dans une Archebulle flottant au gré des courants, vivent quelques milliers d'habitants, seuls rescapés du cataclysme. Parmi eux, Natanae et Morphée, deux adolescents que tout oppose mais que l'amour de la liberté va réunir. Car l'Archebulle est devenue une prison.





- Un petit extrait -

« Elle, que les humains appelaient Gaïa, la Terre-Mère, sent gronder en son sein la révolte. Elle, qui a enfanté les premiers êtres, nourri leurs enfants tout en acceptant leurs faiblesses, leur égoïsme, décide de ne pas se laisser anéantir. […] Mutilée, Gaïa souffre, rage, hurle … Avec une force inouïe, elle se rebelle. […] Prenant le pas sur la colère, la douleur se propage. Gaïa pleure toute les larmes de son corps et engendre des océans dans lesquels s’abiment les continents. Elle s’arrête juste à temps pour ne pas sombrer dans son propre chagrin, dans sa propre furie, et fait naitre du fluide de ses entrailles les contours d’un continent destiné à ses enfants survivants … s’il y en a. Tel un grain de poussière illuminé flottant dans l’océan des larmes de Gaïa, une bulle de vie se dirige au gré du vent, de la mer et de ses courants, vers ce petit bout de terre vierge et sauvage … »

- Mon avis sur le livre -

Pendant des années, je suis passée devant ce livre à la bibliothèque sans lui accorder la moindre attention : bien que le résumé me semblait prometteur, il ne se démarquait pas des autres et ne m’attirait donc pas plus que cela. Alors, vous demandez-vous surement, qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis à son sujet ? La réponse peut sembler étonnante : un forum de jeu de rôle. Inspiré en partie par ce livre, ce forum fut mon petit refuge personnel pendant quelques mois, ses membres furent pour moi comme une véritable famille et j’ai passé au cœur de cette petite communauté mes meilleurs moments de rôliste. Et puis, faute d’activité, nous avons dû prendre la douloureuse décision de le fermer … Presque un an après l’ouverture du forum et plus de six mois après sa fermeture, la nostalgie est toujours forte, mais la tristesse suffisamment estompée pour me permettre de me plonger dans ce livre sans que je ne me mettre à pleurer en songeant à cette fantastique expérience …

Au gré des flots dérive l’Archebulle, immense île artificielle totalement autonome qui abrite une communauté régie par une hiérarchie implacable et des règlements impitoyables. Natanae et Morphée sont deux adolescents que tout oppose mais que leur soif de liberté et de justice va réunir. La première est fille de pêcheur et se situe au plus bas de l’échelle sociale, le deuxième est le fils du dirigeant le plus respecté et le plus craint de cette société confinée. Les deux ne supportent plus cette immense prison dorée, en particulier depuis que l’ébauche d’un continent se profile à l’horizon, et que les découverte du jeune homme leur offrent une possibilité de s’évader de cette Archebulle devenue trop pesante. Parviendront-ils à fuir sans se faire arrêter … ou se faire tuer ?

Contrairement à certains romans post-apocalyptiques, qui débutent par une longue et fastidieuse rétrospective permettant au lecteur de comprendre comment les choses sont devenues ce qu’elles sont, celui-ci ne s’embarrasse pas d’une ribambelle d’explications. Le lecteur est directement plongé au cœur de l’intrigue, et les rares informations concernant l’Archebulle sont disséminées au cœur de l’histoire. De la même façon, l’auteur a fait le choix de ne pas suivre le schéma « traditionnel » d’une dystopie young-adult, et saute l’étape « présentation idyllique de la société futuriste » et passe directement à la phase « rébellion des personnages principaux contre l’organisation en place ». Nous avons ici un récit éminemment dynamique, qui se concentre sur l’action sans s’attarder sur ce qui ne sert pas directement l’intrigue. Ainsi, nous ne savons finalement que très peu de choses des personnages : nous ne connaissons que des bribes de leur passé et n’avons que très peu de descriptions physiques, car l’important ici est la rencontre impromptue entre ces deux adolescents que tout sépare ainsi que les plans qu’ils échafaudent ensemble. Une semaine à peine s’écoule entre la première et la dernière phrase. Le lecteur n’a donc pas le temps de s’ennuyer, puisqu’il se passe toujours quelque chose, sans aucun temps mort. Nous avons ici un roman très vivant qui ne s’attarde que sur l’essentiel, une intrigue palpitante qui tient le lecteur en haleine.

Mais je dois avouer être restée sur ma faim. L’auteur a voulu se concentrer exclusivement sur l’échappée de Natanae et Morphée hors de cette prison dorée, et bien que cela ait du bon du point de vue du rythme narratif, cela est également à l’origine d’un certain sentiment d’inachevé, d’inabouti. Il y avait un potentiel dingue dans l’idée d’une société confinée à l’intérieur d’une Archebulle dérivant au gré des flots, d’une société hiérarchisée où les rares privilégiés ne sont finalement pas plus libres que les opprimés, d’une société basée sur le mensonge d’un seul individu qui régit tout. Et ce potentiel a été réduit à néant par la volonté de laisser de côté tout ce qui n’était pas directement relié à l’intrigue principale. Personnellement, j’aurai adoré en savoir plus sur la vie quotidienne des habitants de l’Archebulle, avoir plus de précisions sur la régulation des naissances, sur les punitions en cas d’infractions des règles, sur le règlement en lui-même … Bref, j’aurai été comblée si le cadre dystopique aurait été un peu plus exploité. Je pense d’ailleurs que le message véhiculé (l’hymne à la liberté), n’en aurait été que plus fort : ici, j’avais le sentiment que nos deux protagonistes cherchaient plus à fuir leur famille respective que l’étau oppressant d’une société trop autoritaire. Donc voilà, je suis un peu déçue car il y avait énormément d’idées très intéressantes qui n’ont finalement été que peu mises en valeur …

De la même façon, j’ai été quelque peu déconcertée par le dénouement de l’intrigue en elle-même : c’est rapide, terriblement rapide. Si rapide que cela en devient absurde. En une semaine à peine, Natanae et Morphée se rencontrent, deviennent amis en dépit de leurs différences et des interdits, se disputent, se réconcilient, et trouvent en parallèle le temps d’échafauder un plan pour s’évader, de pirater les codes permettant de mettre leur projet à exécution et de préparer tout ce qui leur sera nécessaire. Le tout alors qu’ils n’ont même pas seize ans et qu’ils prétendent également emmener avec eux la petite Thynie, demi-sœur de Natanae, qui n’a que deux ans. Une fois encore, l’idée de départ était sympathique : deux adolescents épris de liberté qui comptent bien rejoindre le continent qu’ils voient à l’horizon, mais l’exploitation de cette idée n’a pas été des plus judicieuses. Alors que la sécurité est censée patrouiller toute la nuit et terrorise tout le monde, ils ne se sont pas fait chopper une seule fois, même avec un vélo déglingué (et donc bruyant) comme moyen de transport … Quand on y regarde de plus près, nos deux protagonistes ne font face à aucune contrariété pour quitter cette Archebulle, et on se demande même pourquoi ils sont les seuls à parvenir. Ce n’est finalement pas très crédible et c’est dommage.

Je pense que ma conclusion est prévisible : Dans les larmes de Gaïa est un roman qui avait un grand potentiel mais qui est finalement resté à la surface des choses, et m’a donc plutôt déçue. Bien que les personnages soient terriblement attachants – coup de cœur pour la petite Thynie, si mignonne qu’on a tous envie de la protéger de tous les vilains – et que la narration soit véritablement captivante et palpitante, je n’ai pas réussi à me plonger véritablement dans l’histoire, qui se dénoue bien trop rapidement et bien trop facilement. Je tiens cependant à nuancer quelque peu ma chronique : il n’y a pas que du mauvais dans ce livre ! A vrai dire, je pense que si je l’avais lu lorsque j’avais dix ans, je l’aurai immédiatement placé dans mes coups de cœur. Ce récit est véritablement destiné à la jeunesse et conviendra parfaitement aux jeunes lecteurs avides d’aventure et de liberté. A placer entre toutes les petites menottes passionnées de lecture !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

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