Editeur : de Boeck
Nombre
de pages : 143
Résumé : Une lutte opiniâtre de tous les instants
contre un handicap méconnu constitue la trame de la vie de Liane Holliday. Dans
son autobiographie d'une authenticité bouleversante, elle retrace ou fil des pages
les mille difficultés de son parcours, depuis l'école primaire jusqu'à son
insertion réussie dans la société. Son livre contribue à faire tomber les
préjugés sur ces questions, qui comptent désormais parmi les principales
questions de santé publique dans de nombreux pays.
- Un petit extrait -
« Mais je peine à me souvenir d’un moment où, avec ou sans meilleurs amis en arrière-plan, je n’aie préféré être seule. A la différence de la plupart des gens que je connaissais, je n’ai pas grandi en éprouvant le besoin de nouer des liens profonds et forts avec d’autres. […] J’étais gentille avec les gens que je connaissais, et amicale avec les personnes que j’entrevoyais dans les couloirs. En général je pense que j’étais plutôt superficielle dans les relations avec mes pairs. […] Non pas que je n’aie pas aimé les gens de mon groupe, ce n’était pas le cas. Simplement que je n’aurais pas été terriblement déboussolé si j’avais été toute seule, sans pouvoir m’identifier à un groupe. Mes propres conversations et pensées ont toujours été mes meilleurs amis. »
- Mon avis sur le livre -
L’habit ne fait pas le moine, et la
couverture ne fait pas le livre. Lorsque l’on m’a proposé cet ouvrage, j’avoue
avoir eu bien du mal à me retenir de grimacer : cette couverture sombre me
faisait plus penser à un ouvrage scientifique absolument imbuvable qu’à une
autobiographie ! J’ai toutefois laissé sa chance à ce livre, et j’ai bien
fait : il n’avait rien du bouquin totalement rébarbatif empli de terminologies
médicales barbares que je m’imaginais, mais tout du livre extrêmement complet
et instructif qui se lit très facilement tout en restant particulièrement
intéressant. Ce livre m’a donné une bonne leçon : il faut absolument que j’arrête
de juger un livre à sa couverture si je ne veux pas passer à côté de vraies
perles ! Une bonne résolution pour 2018 ?
Depuis sa plus jeune enfance, il était
évident que Liane n’était pas comme les autres petites filles de son âge :
trop intelligente, trop solitaire, trop violente, trop imprévisible, trop
incompréhensible. Toutefois, aucun diagnostic n’a jamais été posé : Liane
était surdouée, voilà toute l’explication à son comportement inhabituel et à
son incapacité à se faire des amis. Elle traversa l’enfance et l’adolescence
avec une relative aisance, établissant des stratégies afin de compenser les
différences qu’elle sentait monter en elle au fur et à mesure qu’elle observait
avec attention le comportement de ses pairs. C’est à son entrée à l’université
et dans l’âge adulte que tout s’écroule : incapable de faire face, Liane
se renferme sur elle-même. Devenue maman, Liane découvrira l’existence du
syndrome d’Asperger lors du diagnostic d’une de ses trois filles … et par
conséquent du sien.
Cet ouvrage est avant toute chose un délicat
mélange entre l’autobiographie et le témoignage : j’ai toujours eu du mal
à discerner la frontière entre ces deux genres, mais ici, c’est encore plus
flagrant. Tantôt, Liane se contente de raconter son enfance, son adolescence,
son existence, anecdote après anecdotes, tantôt elle agrémente ce récit de
réflexions, d’éclaircissements, d’analyses. A chaque fois, elle met en relation
son passé avec sa connaissance actuelle du syndrome d’Asperger : ce qui à
l’époque était inexplicable et inexpliqué a désormais une explication. C’est
vraiment très intéressant. J’ai été particulièrement touchée par l’honnêteté
dont Liane fait preuve : tout en sachant pertinemment bien que ce qu’elle
écrit n’est pas conforme aux attentes sociales, elle n’hésite pas à le faire,
pour que le lecteur comprenne bien quelles sont les difficultés qu’elle
rencontre au quotidien. Et surtout, qu’il saisisse bien que ses comportements
parfois « bizarres » ne sont pas des caprices de sa part, mais bien
des éléments sur lequel elle n’a pas toujours prise, des éléments dont elle a
besoin pour ne pas perdre pieds.
Ainsi, et c’est la seconde facette de cet
ouvrage, Liane nous offre ici une véritable ode à la différence et à la
tolérance, au respect mutuel et à la bonté naturelle. Elle invite chacun à
accepter ses particularités, et même à en être fier, à ne pas tenter de les
éradiquer seulement pour « plaire » aux autres, pour ne pas les
effrayer, mais bien à les cultiver pour qu’elles deviennent une force et la
marque d’une unicité qui doit être perçue comme une richesse et non une
faiblesse. Elle invite également tout à chacun à se montrer plus tolérant et
plus respectueux des différences d’autrui, à aider les personnes en difficultés
sociales et non pas les stigmatiser en les rendant encore plus malheureuses. En
clair, elle cherche à la fois à changer le regard des « neurotypiques »
sur les personnes atteintes du syndrome d’Asperger et à changer le regard que
ces-dites personnes ont d’eux-mêmes. Bien trop souvent, il est uniquement
question du respect et de la tolérance de l’autre … alors qu’il faudrait peut-être
commencer par se respecter et se tolérer soi-même pour pouvoir avancer dans la
vie.
Et enfin, le troisième et dernier volet de
cet ouvrage s’apparente plus à un « guide de survie » à
destination des personnes atteintes du syndrome d’Asperger (SA). L’auteur offre
ici un florilège de petits conseils afin de savoir si on doit ou non faire part
de son diagnostic à quelqu’un, à qui le faire, comment le faire, des astuces
pour survivre à ses années d’études universitaires, pour trouver et garder un
emploi, pour gérer le quotidien de son ménage ou minimiser les attaques
sensorielles du monde. Le seul reproche que je peux adresser à ces quelques
chapitres, c’est qu’ils font croire qu’autrui est forcément bienveillant et
sera forcément disposé à nous aider si on lui explique nos difficultés … Je
suis personnellement moyennement convaincue que, dans notre société actuelle,
un employeur accepte de dispenser un employé des réunions entre cadres juste
pour lui éviter un stress maladif : de nos jours, seule compte la
productivité, le bien-être des gens est considéré comme superflus et je ne
pense donc pas que le conseil « demander à disposer de services qui
pourraient vous aider à contrôler les particularités SA qui pourraient
perturber votre réussite professionnelle » soit facilement applicable … A
moins que tous les patrons du monde ne lise l’ultime chapitre de cet ouvrage,
dédié justement aux « personnes non SA qui accompagnent » des
personnes SA : à travers cet appendice, l’auteur donne aux amis, aux
employeurs, aux professeurs … quelques recommandations pour aider, soutenir et
s’adapter aux personnes atteintes du syndrome d’Asperger. Ce chapitre est d’utilisé
publique.
En bref, j’ai été très agréablement surprise
par ce livre ! Un témoignage aussi émouvant qu’intéressant, une invitation
à l’acceptation et de soi et des autres, un guide bien construit et rempli de
bonnes idées … Le tout accompagné d’un glossaire qui permet d’expliquer
simplement les quelques terminologies « scientifiques » utilisées ci
et là et de quelques références bibliographiques (en anglais, mais je pense que
certains ouvrages ont été traduits) pour ceux qui souhaitent approfondir le
sujet. J’ai tout particulièrement apprécié le style, tout en douceur, finesse,
émotion, une plume que la traduction de Josef Schovanec a su conserver. S’il n’y
avait qu’un ouvrage à faire lire à quelqu’un concerné de prêt ou de loin par le
syndrome d’Asperger (qu’il s’agisse donc d’un Aspie, d’un ami, d’un éducateur,
d’un employeur, d’un collègue ….), je pense que ce serait celui-là : il
est court, il est simple, il est complet. Pour une première approche, il est
donc idéal !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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